A l’aube du XXI° siècle, il reste encore des zones d’ombre en ce qui concerne les races d’hominiens
qui ont peuplé ou qui peuplent peut-être encore certaines contrées de notre planète.
L’Afrique est, avec l’Asie, le continent où la tradition, les légendes, et quelquefois les témoignages,
parlent d’hominiens apparemment inconnus ayant vécu ou vivant encore dans certaines régions peu peuplées, car souvent
difficiles d’accès. En Centre-Afrique par exemple, la tradition parle de "Nains de brousse" sortes de pygmées de savane,
dont quelques représentants survivraient peut-être encore de nos jours dans les régions du nord-est. D’après la description
qu’en font les indigènes, ces "Nains de brousse" auraient la stature d’un enfant de dix ans et seraient très trapus
et d’une grande vigueur. Leur teint serait noir. Ils parlent, possèdent des armes de chasse et des pagnes de peau,
mais ne construisent pas de huttes ni aucune habitation.
Si on en croit la tradition, ces êtres fréquentent surtout les lieux boisés et rocheux de la savane
soudano-guinéenne. Ils se nourrissent de racines, de baies et de miel sauvage. Dans ces descriptions, les indigènes
s’accordent tous à reconnaître que les Nains de brousse auraient le pouvoir d’ôter la volonté à l’homme que le hasard
met sur son chemin dans les contrées isolées de la brousse ; ils pourraient ainsi contraindre un homme à les
suivre pendant quelque temps, pour ensuite lui rendre sa totale liberté d’esprit. Celui qui a fait ainsi un séjour forcé
avec les "Nains de brousse" revient souvent chez lui avec des connaissances dans l’art de soigner par les plantes. Dans les
différentes régions de R.C.A., cette description est toujours la même, en outre chaque langue vernaculaire possède
un nom spécifique pour désigner les "Nains de brousse" : les Bandas les nomment "Kara-Komba",
littéralement ’’les singes-qui-portent-beaucoup’’, allusion à leur vigueur et aussi au fait qu’ils ont sans doute été employés
au portage ; les Arabes de la région nord les appellent "Dam-Sako", mais il existe aussi un terme générique
que l’on retrouve sur l’ensemble du territoire, c’est le nom "Toulou" ou "Toulé", ou encore "Tollé"
suivant les tribus. Ce terme se retrouve encore dans la toponymie de certaines régions : il existe
une rivière ’Toulou’ ; il y a aussi un abri sous roche de ’Toulou’ et un Kaga ( colline ) ’Toulou’.
D’après la tradition, il y eut une époque lointaine où les Nains de brousse étaient relativement nombreux,
et les Bantous les employaient aux besognes rudes, comme le portage. Vraisemblablement ils étaient considérés comme
du gibier et mangés, comme en témoigne une relation de voyage d’un navigateur portugais du XVI° siècle qui raconte
avoir assisté dans l’actuel Burkina-Fasso à une chasse à courre avec des chiens au cours de laquelle une famille entière
de "Nains de brousse" fut abattue par les indigènes du lieu, qui les traquaient pour la viande.

’’ KARA - KOMBA ’’
ou
NAIN DE BROUSSE
[ d’après la description des indigènes ; dessin : Christian Le Noël ]
Les témoignages de rencontres entre les Nains de brousse et les indigènes ne sont pas très rares.
J’en ai recueilli deux qui m’ont semblé dignes de foi. Le premier dans la région nord, de la bouche d’un commerçant arabe
du lieu : "Je m’appelle Oumar BOUKAR, j’ai 50 ans ; en 1965, j’étais prospecteur de diamants dans la région
de Ouadda. Avec 9 compagnons, nous étions partis sur la piste de Pata, à la hauteur du village de Tchanga. Nous
avions l’intention de nous procurer de la viande de chasse. Nous suivions les traces fraîches d’une antilope qui venait
de traverser la piste, lorsqu’à un certain moment la végétation devint assez dense et je me suis trouvé isolé de mes
compagnons. Tout à coup, au milieu des fourrés, je me suis trouvé en présence d’un "Nain de brousse" que nous
appelons Dam-Sako. Il avait une taille d’environ 1 m 10, mais son corps était très large. Il portait une
petite hache sur le dos, il était vêtu d’un cache-sexe en cuir d’animal et d’une espèce de paire de sandales grossières, il était noir
avec le crâne rasé, il ressemblait à un homme noir, mais de la taille d’un enfant. Je tentais de le saisir en le prenant
dans mes bras, il se mit à pousser des cris sourds incompréhensibles. Très facilement, il se libéra de son étreinte pour
disparaître dans la végétation environnante ; à ce moment précis, ma tête se mit à tourner et j’avais complètement
perdu le sens de l’orientation. Je restai sans bouger et je commençai à dire mes prières, car je suis musulman. J’étais tellement
mal à l’aise que je croyais ma dernière heure arrivée. Au bout d’un moment, j’entendis au loin mes compagnons
qui m’appelaient. Je répondis, et bientôt je fus rejoint par eux. Les Dam-Sako sont assez nombreux dans cette région,
mais on ne les rencontre que très rarement, car ils se cachent des hommes".
Ce témoignage a été recueilli grâce au Frère Pierre de la mission catholique de Ndélé.
Le second témoignage est une aventure arrivée à un Père missionnaire de Yppi ; il m’a été rapporté par le Père Fischer
de la mission catholique de Birao.
Un des Pères de la mission de Yppi avait l’habitude de saluer tous les indigènes qu’il rencontrait
sur les pistes de brousse. Un jour où il circulait en 2 CV sur une de ces petites pistes reliant deux hameaux, il aperçut
ce qu’il prit pour un garçonnet. Il ralentit à sa hauteur et le salua dans la langue du pays. N’ayant pas reçu de réponse, il arrêta
sa voiture un peu plus loin et descendit pour parler à l’inconnu, tout en lui tendant la main ; l’inconnu la saisit
et serra si fort que le brave Père eut l’impression qu’on lui broyait la main dans un étau. Comme il racontait son aventure
à son retour à la mission, les indigènes lui dirent en riant qu’il avait sans doute rencontré un "Nain de brousse" qui sont réputés
pour leur force ! Il serait intéressant d’interroger ce Père missionnaire qui, à ma connaissance, est peut-être un
des rares Européens à avoir vu de très près un de ces fameux ’Kara-Komba’’, dont parlent les Noirs de cette région
de la R.C.A.
Sur tout le territoire, on peut découvrir sur les affleurements rocheux de petites cupules
d’environ 5 à 6 cm de diamètre. Les Noirs prétendent que ce sont les traces laissées par ’Toulou’ pour bâtir
sa maison ! Ces cupules sont visiblement creusées de main d’homme, en général elles sont par deux ou par quatre,
distantes de vingt à trente centimètres. A quoi peuvent-elles servir ? J’ai vu les mêmes dans la région de
St Etienne en France.
Personnellement, j’ai deux fois été mis en présence de traces fraîches dans des régions très isolées,
où il n’y avait pas de village à moins de cent kilomètres. Ces traces étaient visiblement des traces de pieds humains,
mais de très petite taille, comme celles d’un garçonnet. Or, il est exclu qu’un enfant puisse survivre seul à plus de
cent kilomètres de tout village ! Dans ces régions inhospitalières, les indigènes ne se déplacent qu’en groupe.
Ces traces de pas ont une longueur d’environ 15 à 18 cm, et les enjambées ne dépassent pas 50 cm.
Que peuvent être ces Nains de brousse ? Peut-être de lointains descendants reliques
de la race Koïsan dont les peintures rupestres sont parvenues jusqu’à nous. Il semblerait que certains d’entre eux
seraient encore présents dans une région boisée du Kenya. Là aussi, des témoignages récents d’indigènes parlent
de ’Nains de brousse’. Ecoutons la description qu’en fait l’un d’entre eux : "Ses yeux, sa bouche, étaient ceux
d’un homme, et son visage n’était pas recouvert de poils, mais son front était très bas, plutôt comme celui d’un babouin".
C’est en ces termes qu’un Kenyan décrit l’étrange créature qu’il aurait rencontrée un jour où il chassait dans la forêt
et par laquelle il aurait été retenu prisonnier plus d’une heure.
Il est à noter que le Kenya se trouve à plusieurs milliers de kilomètres de la R.C.A. et que
ce témoignage ne semble pas pouvoir être influencé par les récits identiques de ce pays. Ces témoignages ont convaincu
une sociologue française, Jacqueline ROUMEGUERE-EBERHARDT, maître de recherches au CNRS, que les hominiens
connus jusqu’alors seulement par leurs restes fossilisés, sont peut-être encore vivants au Kenya ( 1, 2, 3 ).
Pourquoi donc, se demande Madame ROUMEGUERE-EBERHARDT, l’Homo habilis
et l’Homo erectus qui vivaient il y a 500 000 à 3 millions d’années ne seraient-ils pas toujours en vie,
dans cette région où ils sont d’abord apparus ?
Cette théorie pourrait être confirmée par le fait que la climatologie de ces régions a apparemment
peu changé depuis ces temps lointains, du moins pas dans des proportions telles qu’elles auraient par des variations
extrêmes fait disparaître une espèce bien adaptée. Par exemple, en R.C.A. où j’ai effectué des recherches sur les
Nains de brousse, j’ai remarqué que la région la plus riche en témoignages était une région où pousse encore une
plante fossile unique au monde, l’Encéphalartos. Cette plante existait déjà, il y a 20 à 30 millions d’années,
donc était contemporaine des fameux dinosaures. C’est une sorte de grosse fougère à épines. Si cette plante a résisté au
climat actuel, pourquoi pas une race d’hominiens !
Pour ma part, la description par les indigènes de ces Nains de brousse me fait penser à celles faites
par les légendes bretonnes décrivant les Korrigan et les farfadets, qui, eux aussi, seraient de petite taille
et auraient le pouvoir d’enlever la volonté de leurs victimes pour leur faire faire tout ce qui leur passe par la tête.
Dans la région de Bamingui a été découverte une grotte sur un ’Kaga’, dans laquelle étaient
enfermés trois squelettes inconnus ; une étude approfondie serait nécessaire pour identifier avec exactitude l’origine
et la nature exacte de ces trois squelettes, dont le mode de sépulture est inconnu dans cette région. Les indigènes interrogés
prétendent que ces restes humains datent d’avant l’arrivée de leurs ancêtres dans le pays. Dans la région de Bamingui
où les témoignages sur les Nains de brousse sont nombreux, le guide de chasse professionnel Alain MOUSIST
a découvert, en février 1988, dans une grotte de la rivière Goumbiri, des peintures rupestres. C’est la première fois
que de telles peintures sont découvertes en R.C.A., où jusqu’ici seules des gravures avaient été relevées.

Relevé de peintures rupestres
dans une grotte de la région de Bamingui.
Personnages avec ce qui semblerait être un varan.
Un peu plus au nord dans la chaîne de collines qui domine la vallée de la rivière Aouk, existe aussi
une série de grottes et d’avens creusés par l’eau de pluie dans le seul endroit du pays qui soit calcaire ( quelques
centaines de mètres carrés ! ). Les indigènes des villages voisins prétendent que ces grottes servent de refuges
aux Nains de brousse, et que certaines fois ils ont entendu de la musique sortir de ces grottes qui sont pratiquement inaccessibles,
car elles sont pleines de ruches sauvages ; les abeilles africaines étant particulièrement agressives, il est difficile
de pénétrer dans ces trous rocheux.
Un dernier mystère serait à éclaircir dans cette région. Il existe des milliers de tas de rognons de latérite,
visiblement édifiés de main d’homme. Là aussi, aucun indigène n’est capable de dire à quoi peuvent servir ces petits tumulus
d’un mètre cube environ. Ils se contentent de dire : "Ce sont des gens avant nous qui ont fait cela, avant
nos parents ". Il est très difficile d’ouvrir ces tumuli, car les rognons de latérite se sont ressoudés avec le temps
et forment un bloc aussi dur que du béton.
L’archéologue P. VIDAL qui effectue des recherches pour le CNRS dans la région de Bouar sur les
mégalithes, est passé dans cette région et a découvert un squelette dans l’abri de Toulou sur la piste de Ndélé-Birao,
squelette d’homme normal daté par le C-14 à 400 ans.
En 1988, un fait étrange s’est produit dans la préfecture de la Lobaye : des chasseurs locaux
africains, partis en forêt, abattent un être qu’ils avaient pris tout d’abord pour un grand singe, mais qui ressemblait si fort
à un humain qu’ils n’osèrent pas le dépecer pour le manger.
Ils l’apportèrent au sous-préfet. Celui-ci, intrigué, en fit une description qu’il envoya dans un rapport
officiel au chef de l’Etat, le général KOLIMBA. Celui-ci aurait noté en marge de ce rapport : "Dommage
pour la science ! ". Convaincu qu’ils n’étaient pas en présence d’un animal, mais d’un hominien inconnu, les chasseurs
enterrèrent la dépouille plutôt que de la manger. Quand on connaît l’attrait des populations africaines pour la viande
de chasse en général et la viande de singe en particulier, il faut que cet être soit vraiment proche d’un être humain pour ne
pas avoir été mis à la broche.
Pourquoi ces hominiens auraient-ils jusqu’ici échappé à une étude approfondie ? Sans
doute parce que traqués pendant des millénaires par l’Homo sapiens noir, ils sont devenus méfiants et rares.
Leur reproduction elle-même est sans doute devenue difficile du fait de leurs conditions de vie précaire et furtive, peut-être
même complètement nocturne. Leur existence nomade dans un pays si vaste ne favorise pas les observations.
Dans la brousse, certains hameaux de tribus actuelles sont totalement inconnus :
pendant l’épidémie de choléra au Tchad, en 1969, les autorités découvrirent des tribus qui avaient échappé à tout
contrôle de l’administration depuis des années, vivant dans des zones sans accès. Il avait fallu cette épidémie
exceptionnelle pour que des hélicoptères militaires prospectent ces régions à des fins de vaccination pour découvrir
ces populations sédentaires inconnues, c’est-à-dire qu’il est relativement facile pour de petits groupes humains de
passer inaperçus, surtout s’ils se cachent délibérément.
Ni des animaux... ni hommes au sens moderne du terme, alors quels peuvent être ces
hominiens inconnus ? Une passionnante énigme à élucider à l’aube de notre XXI° siècle, où tous les mystères
de nos origines sont loin d’avoir été entièrement expliqués.