INTRODUCTION
Il est apparu intéressant ici de faire un parallèle entre les Hominoïdes non-sapiens anciens,
connus à l’état de fossiles, et ceux toujours vivants, méconnus, voire totalement ignorés de l’Anthropologie ’classique’,
qui sont sans doute encore disséminés aujourd’hui en quelques points du globe, dans des massifs montagneux boisés
ou à l’intérieur de grandes forêts inexplorées.
En 1952, le zoologue Bernard HEUVELMANS a été le premier à faire le rapprochement
entre le Yéti népalais ( qu’il décrivit un peu plus tard, en 1958, sous le nom scientifique
de Dinanthropoïdes nivalis ) et le Gigantopithèque fossile, qui vivait déjà voici près de 10 millions
d’années, mais dont on a découvert au Vietnam des restes montrant que l’espèce a pu survivre jusqu’à une période relativement
récente ( 400.000 ans ). Il était alors tentant de penser que le Gigantopithèque ne s’était pas éteint,
mais qu’il s’était réfugié vers les sommets, dans l’Himalaya, où il pourrait encore survivre sous les traits du Yéti.
Le Sasquatch ( ou ’Bigfoot’ ) américain a été désigné aussi comme le
descendant possible d’un Gigantopithèque du Plio-Pléistocène ( HEUVELMANS 1986, KRANTZ 1987 ).
Un autre auteur, Ivan SANDERSON, avait tenté dès 1961 de mettre en place et d’intégrer les
divers Hominoïdes ’reliques’ dans un vaste tableau représentant l’arbre généalogique de l’Homme, avec tous ses ancêtres
supposés, ainsi que les Pongidés récents ou fossiles. Cette étude, digne de mérite, apparaissait cependant comme
une tentative quelque peu ’forcée’ de faire coïncider les documents fossiles et la représentation que nous avons,
grâce aux divers rapports de témoins oculaires, de l’aspect physique des Hominoïdes Sauvages et Velus
qui vivent apparemment de nos jours en différents points de la planète.
Mon opinion personnelle, que je vais développer tout au long de cet article
[ en 2 parties ], est qu’il paraît nécessaire, dans le cadre d’une étude rationnelle sur les relations
susceptibles d’exister entre les Hominoïdes fossiles et les formes récentes à aspect semblable,
de se démarquer de la tendance prédominante en Anthropologie, qui consiste à faire descendre systématiquement
une espèce plus jeune d’une autre, géologiquement plus ancienne. La ’continuité’ peut n’être qu’apparente !
Et dans ce cas, la ressemblance résulterait d’une convergence des formes.
La théorie de la bipédie initiale admet l’émergence successive [ et espacée
dans le temps ] de créatures hominoïdes diverses, par bifurcation à partir de la lignée humaine ancestrale
[ à partir du ’stock’ humain de type sapiens ]. Ces formes, adaptées à des environnements similaires,
peuvent se ressembler morphologiquement et anatomiquement. Elles sont, si l’on veut ’cousines’, mais ne
procèdent nullement par filiation l’une de l’autre, comme on a peut-être trop tendance à penser.
Ainsi, même la tentative, très louable en soi, d’un chercheur de terrain comme l’anthropologue
américain Grover S. KRANTZ, de vouloir expliquer la présence actuelle du Sasquatch en le replaçant dans la continuité
évolutive du Gigantopithèque, me paraît tenir du même état d’esprit que les considérations passées - et vite
dépassées - des paléontologues du siècle passé qui faisaient provenir, sur la base de simples ressemblances,
le Gorille d’un Singe du Tertiaire comme le Proconsul major, et le Chimpanzé du Proconsul africanus...
La théorie de la bipédie initiale me paraît, à ce point de vue, un excellent outil de travail.
Pour cela, partons sans préjugés de l’évidence biologique que l’Homme sous sa forme actuelle
( Homo sapiens ), loin d’être d’apparition récente [ dans les 200.000 ans, vous diront maintenant la
plupart des spécialistes, alors qu’il n’y a guère on s’accordait plutôt sur 35.000 ans et quelques... ], représente
un morphotype ancien : en fait, c’est l’Homo sapiens qui est resté le plus proche de l’archétype
des Primates !
Au fur et à mesure, des créatures nouvelles [ australopithèques, grands singes, singes à
queue ], morphologiquement assez voisines [ surtout si elles vivent dans un même environnement :
celui de la forêt tropicale ], ont pu apparaître par déshominisation progressive à des périodes différentes,
en divergeant anatomiquement de l’Homme dont elles sont issues. Ainsi, le Sasquatch [ décrit en 1986 par KRANTZ
sous le nom de Gigantanthropus canadiensis à partir d’une étude sur les empreintes ] a-t-il pu naître
sur le continent américain à une époque relativement récente [ géologiquement parlant ]. Il ne présenterait
ainsi que quelques traits de convergence avec le Gigantopithecus blacki, dont KRANTZ a étudié les restes fossiles.
Mais le Sasquatch n’en serait pas l’aboutissement évolutif à notre époque présente.
Dans cette première partie d’article [ la seconde partie paraissant dans
BIPEDIA-7 ], nous allons passer en revue quelques Singes anthropomorphes fossiles et récents,
ainsi que les fameux Australopithèques. Puis la seconde partie sera consacrée au problème des Hommes Sauvages et Velus,
des Néanderthaliens et des Pithécanthropes. Nous comparerons ainsi les formes anciennes et les formes possiblement actuelles.
Dans l’ensemble de sa démonstration, l’auteur voudrait partir d’un fait établi : à savoir qu’une
espèce d’Homme existe sur Terre ( c’est nous, l’Homo sapiens ) et qu’elle cohabite avec des
Primates arboricoles ( c’est-à-dire, les Singes, répartis en plusieurs groupes ) dont certains, les Anthropomorphes,
sont restés très proches anatomiquement et génétiquement de l’Homme. Les cryptozoologues et hominologues rajoutent à
ce tableau les Hominidés bipèdes non-sapiens [ nous avons mentionné le Sasquatch ] et des Grands Singes
anthropomorphes ( comme le Yéti ), non répertoriés dans les manuels de Zoologie, mais souvent déjà décrits
de manière scientifique. Le fait établi, évoqué quelques lignes plus haut, est illustré par la grande diversité
actuelle des Primates, allant de l’Homme à bipédie érigée et à gros cerveau, jusqu’aux Lémuriens et Tupaiidés,
qui sont quadrupèdes et ont acquis un crâne allongé, avec le ’museau’ typique de la plupart des mammifères...
Entre l’Homme et les Grands Singes sans queue s’intercaleraient logiquement, en quelque sorte, les formes ’hominiennes’
que j’appellerai : hyperanthropoïdes et australopithécoïdes.
L’auteur part du modèle de la faune présente pour extrapoler dans ce sens qu’une situation semblable
caractérisait aussi les époques géologiques passées, depuis qu’il y a de grandes forêts sur Terre où des simiens peuvent
se déshominiser en adoptant des habitudes alimentaires et locomotrices nouvelles !
Certes, des restes humains ( ou les traces de l’activité de l’Homme, Homo sapiens )
n’ont pas été retrouvés [ ou n’ont pas été reconnus comme tels ] dans les strates sédimentaires anciennes
où l’on a déjà découvert les restes d’Hominoïdes simiens. C’est, bien sûr, imputable aux lacunes de la Paléontologie,
qui demeure une science de l’exception !
La Paléontologie donne néanmoins des indications fort utiles. Ainsi, les Australopithèques
de l’Afar [ ou bien des variétés voisines ] ont été fréquents en des lieux et à des époques données :
ces périodes de multiplication des formes australopithécoïdes correspondent vraisemblablement à des phases cycliques
de régression de l’espèce humaine proprement dite.
En tout cas, quelle que soit l’époque géologique concernée ( aussi loin que les fossiles
d’Hominoïdes nous permettent de remonter, voire au-delà ), il y a bien dû y avoir cohabitation, donc existence
simultanée, de tous les types possibles de Primates, au sein desquels : des bipèdes de type sapiens,
des Hyperanthropoïdes et des Australopithécoïde, ces derniers étant issues par déshominisation
de la souche humaine... Les hominiens vont profiter périodiquement, en quelque sorte, des régressions
et avatars de l’espèce humaine [ quelle qu’en fussent les causes ] pour se multiplier et pour repeupler
de vastes zones de la planète ! A ces occasions, il peut y avoir également l’émergence de formes déshominisées
nouvelles, par spécialisation et spéciation. Cela va contribuer à augmenter de façon conséquente la probabilité pour nos
paléontologues ( ! ) de retrouver leurs restes fossilisés, en des endroits comme la fameuse Rift Valley...
LES SINGES ANTHROPOMORPHES
Ce sont les Gibbons, Siamangs, Orang-Outans, Gorilles et Chimpanzés, en ce qui concerne
les formes connues actuelles. On y adjoint différentes lignées de Singes fossiles du Tertiaire, les plus anciens parmi
eux paraissant être Aegyptopithecus et Oligopithecus, avec près de 35 millions d’années. D’autres singes,
comme Propliopithecus, Proconsul, Dryopithecus et Ramapithecus ont été retrouvés dans
des sédiments plus récents.
Tous présentent, en plus de traits simiens généraux - et de ceux spécifiques
à leurs lignées -, d’indiscutables caractères anatomiques humains, préservés chaque fois de façon un peu différente...
La théorie de la bipédie initiale apporte ainsi une réponse censée concernant l’émergence successive de ces lignées
de simiens anthropomorphes en postulant qu’ils procèdent par déshominisation de la souche Homo originelle !
Le même phénomène évolutif s’est d’ailleurs reproduit tout récemment [ géologiquement
parlant ], voici quelques millions d’années à peine, dans le cas des Gorilles et des Chimpanzés contemporains.
Une forme fossile, Oreopithecus bambolii, menait, voici près de 10 millions d’années,
dans les forêts d’Europe, une vie analogue à celle des Gibbons contemporains. L’Oréopithèque, grand comme un chimpanzé,
était particulièrement riche en caractères humains, au point qu’un paléontologue suisse, le Dr J. HÜRZELER,
a été enclin de le considérer comme un Hominidé [ fort raccourcissement de la face, prémolaires molarisées comme
chez l’Homme, bassin large et court, pas très simien d’aspect ]. Le grand problème pour les paléontologues est
que l’Oréopithèque possèdait des bras immenses de brachiateurs [ il se déplaçait dans les arbres en
se suspendant de branche à branche ]. Cette structure composite ( en fait, un véritable paradoxe phylétique
pour les tenants d’une évolution allant du simien vers l’humain ) s’explique merveilleusement si l’on s’en réfère
à un bipédisme initial des Primates.
Le phénomène évolutif de la déshominisation se traduit, comme le note
B. HEUVELMANS ( 1974 ), par des transformations adaptatives au niveau du squelette, crânien en particulier,
et par une perte de conscience de l’identité humaine. Quel qu’en soit le facteur déclencheur, c’est l’évolution vers un stade
anatomique que l’on se doit de qualifier d’ultra-humain, c’est-à-dire qu’il se situe au-delà du point d’achèvement
anatomique de la forme humaine ( morphotype ). Il y a, bien sûr, une régression du psychisme.
A partir de la lignée originelle bipède à tête ronde de type Homo, dont nous procédons par filiation
directe ( et dont nous avons hérité les principales caractéristiques physiques et mentales ), se sont également
développés par déshominisation, au cours des périodes géologiques passées, de nombreux rameaux collatéraux.
Beaucoup de ces Primates n’ont eu qu’une existence très éphémère et ont disparu sans laisser de traces fossiles
ni de descendance jusqu’à notre époque contemporaine. Les formes fossiles connues représentent autant d’espèces
déshominisées, qui ne sont pas pour autant apparentées entre elles, sinon par leur origine commune à partir de la
souche Homo originelle ! Les morphologies voisines de bien des singes résultent d’un phénomène de convergence.
C’est ainsi que Chimpanzés et Gorilles se ’’ressemblent’’... !
Les Grands Singes africains actuels ont divergé de l’homme voici sans doute moins
de 5 millions d’années. Cela ressort de nombreuses études contemporaines [ citées dans SARRE 1989 ]
que Chimpanzés et Gorilles ont bifurqué à des dates séparées de la lignée commune ancestrale, et que le chimpanzé
est plus proche de l’homme que le gorille, à l’apparence pourtant voisine !
En fait, ce qui distingue génétiquement le chimpanzé de l’homme, c’est que le
chromosome 13 du premier possède un bon morceau de matériel génétique en plus ( 1% du
génome total ), et que le chromosome 2 de l’homme s’est scindé en deux chez le grand singe africain. Tous
ces traits évolués du Chimpanzé sont en relation directe avec l’adoption secondaire de la démarche quadrupède chez ce dernier,
liée à la pratique de l’arboricolisme. Bref, un chimpanzé sait faire un tas de choses que l’homme ne sait pas faire !
Les chimpanzés seraient-ils aussi les descendants en ligne directe de l’Australopithèque
des Afars ? Cette hypothèse est, pour le moins, séduisante, et expliquerait pourquoi on ne trouve pas, en Afrique,
d’ossements fossiles de ’ pré-chimpanzés ’... Mon point de vue serait néanmoins de généraliser cette assertion,
en postulant par exemple que le Chimpanzé procède bien de formes australopithécoïdes, sans doute contemporaines
de l’Australopithecus afarensis, mais que ce dernier a pu aussi s’éteindre dans son environnement de savane,
sans pour autant poursuivre son évolution amorcée vers le singe arboricole. Tous les cas de figure peuvent ici être envisagés,
sauf, bien sûr, celui qui prétendrait situer les Australopithèques dans l’ascendance de l’homme moderne !
Pour en revenir au phénomène évolutif de déshominisation, je conçois qu’un premier
stade [ correspondant, par exemple, à l’état anatomique d’un néandertalien paléanthrope ] puisse développer
des caractères ( projection de la face et des mâchoires vers l’avant, perte progressive de la rondeur originelle
du crâne ) qui vont peu à peu modifier l’architecture du squelette tout entier. Ces individus peuvent être
appelés hyperanthropoïdes [ c’est-à-dire, évoluant au-delà de l’homme ]. Des stades intermédiaires,
ressemblant par exemple à l’ "Homo" habilis, mènent ensuite vers des formes australopithécoïdes,
capables elles-mêmes d’évoluer vers l’état pithécoïde [ avec perte progressive d’une bipédie
vraiment fonctionnelle ]. L’adaptation à l’arboricolisme se poursuit, pour peu qu’il y ait retrait définitif dans la forêt.
Mais d’autres options évolutives demeurent toujours possibles : elles furent à l’origine de nombreuses
autres lignées d’animaux mammaliens !
Des Grands Singes fossiles ou récents, comme Gigantopithecus,
Ouranopithecus ( dont on vient de retrouver une face presque complète en Grèce ),
le ’Yéti ’ ( Dinanthropoïdes nivalis ) ou l’Ameranthropoïdes loysi, sont à replacer dans un tel
contexte évolutif. Le ’Yéti ’, auquel fut consacré une étude magistrale dans le précédent numéro de Bipedia
( GRISON 1990 ), serait ainsi un Grand Singe anthropomorphe vivant essentiellement
dans les forêts quasi impénétrables de l’Himalaya, situées dans la zone 3000-4000 m, et contrairement à la réputation
qui lui a été faite ( ’abominable homme-des-neiges’ ), il ne s’aventure guère sur les champs de neige
que pour se rendre d’une vallée à l’autre. Les liens de parenté qui unissent le ’Yéti ’ aux deux espèces connues de
Gigantopithèques ( G. blacki et G. bilaspurensis ), à l’Ouranopithèque grec ou
au Sivapithèque indien [ et, par ce biais, sans doute à l’Orang-Outan ] paraissent indiscutables. Le ’Yéti ’ peut
s’être aussi développé in loco dans les grandes forêts d’altitude himalayennes, et ce dans un passé relativement
récent [la comparaison de sa morphologie avec celle du Gorille, et son aptitude résiduelle à une bipédie plus marquée
que celle du Grand Singe africain, permettent d’évoquer une date de séparation plus récente : 2-3 millions
d’années ]. C’est tout du moins l’alternative théorique que je présente ici.
L’Ameranthropoïdes loysi, quant à lui, est connue par une photographie qui a été prise
en 1917 au Vénézuela par le géologue suisse François de LOYS. Ce singe, anthropomorphe d’aspect,
grand d’environ 1,5 m, a été désigné par ses détracteurs comme un vulgaire Atèle, auquel on aurait dissimulé la longue
queue sur la photo... Les similitudes entre le squelette des Platyrhiniens et celui de l’homme ont souvent été reconnues
troublantes par maints auteurs, dont le primatologue bien connu A.H. SCHULTZ. La théorie de la bipédie initiale
permet d’expliquer la maintenance de tant de caractères humains chez des Singes du Nouveau Monde...
caractères qui ne sont pas toujours présents chez les Catarhiniens. On devine aisément pourquoi un singe américain
d’allure anthropomorphe comme l’Améranthropoïde dérange. Comme l’écrit le Dr HEUVELMANS ( 1954 )
dans son fameux livre Sur la Piste des Bêtes Ignorées ( tome 2, p. 104 ) : "L’entêtement
avec lequel certains naturalistes se refusent à entériner l’existence de l’Améranthropoïde traduit chez eux une
peur inconsciente : celle de devoir réviser de fond en comble l’édifice sclérosé de leurs conceptions".
LES AUSTRALOPITHECOÏDES
Au début du XX° siècle, l’attention des paléoanthropologues s’était plutôt portée vers l’Asie, où l’on avait
exhumé les restes de l’Homme de Pékin, consécutivement à ceux de l’Homme de Java. Aussi, les Singes austraux
( ou Australopithèques ) mirent-ils quelque temps à s’imposer aux yeux des chercheurs. Depuis, on s’est habitué
à l’idée que le Continent noir avait été le berceau de l’Humanité [ si l’on s’en réfère aux conceptions courantes ! ].
Les Australopithèques sont des formes restées plutôt bipèdes, à cerveau assez bien
développé ( 500 cm3 environ ), compte tenu de leur petite taille habituelle ( 1 m
à 1,5 m ). Si, dans l’ensemble, leur dentition est humaine et indique un régime omnivore, certains
australopithèques tardifs [ ce qui ne veut pas dire que d’autres, auparavant, n’aient déjà présenté les
mêmes traits ! ] montrent une adaptation très nette à une alimentation coriace composée de racines,
de bulbes et de tubercules. Les Australopithèques possèdent souvent en commun avec les Panidés une tendance nette
vers un dimorphisme sexuel marqué [ présence de crêtes sagittales chez les mâles ].
Les théories communément élaborées à partir de l’échantillonnage actuel des fossiles
d’Hominoïdes en provenance d’Afrique orientale pèchent toutes par le même désir de vouloir assigner à ces formes,
soit le statut d’ancêtres directs de l’homme, soit celui de collatéraux à morphologie relativement voisine
de l’ancêtre commun supposé... Les nombreuses contradictions qui surgissent de tels hypothétiques modèles
provoquent de façon évidente un désarroi grandissant chez les scientifiques spécialisés dans la recherche des
origines de l’homme. Ainsi, ’Lucy’ ( Al. 288 ), l’Australopithecus afarensis de 3 millions
d’années, apparaît de plus en plus comme une créature ’composite’. Si son crâne était simien d’aspect, il était
néanmoins nettement plus arrondi que les premières reconstitutions de Don JOHANSON le laissaient supposer.
Si elle utilisait habituellement la locomotion bipède pour progresser, elle grimpait facilement aux arbres grâce à ses
genoux aux attaches souples et à son articulation omoplate-humérus nettement articulée vers le haut. Les phalanges
des mains et des pieds étaient courbes comme celles de singes arboricoles, et le gros orteil était pratiquement en opposition
avec les autres orteils. On se demande finalement comment l’Australopithèque des Afars a fait pour ’acquérir’ une
bipédie fonctionnelle... C’est bien là plutôt une preuve que cette disposition locomotrice de la bipédie était déjà en place,
dès l’origine de la lignée des Australopithèques, et rendue possible par l’architecture squelettique toute entière, ainsi
que par les performances motrices du cerveau.
Ce qui est le plus choquant pour les partisans inconditionnels d’une évolution ’allant du singe
à l’homme’, c’est que ’Lucy’ avait toujours un bassin de type plutôt humain, et surtout
qu’elle accouchait comme une femme d’aujourd’hui ( BERGE et al. 1984 ), c’est-à-dire aussi
avec tous les risques que cela comportait pour mère et petit ! Dans l’optique classique, qui fait descendre le
pré-australopithèque de l’arbre pour lui faire arpenter, à peine redressé sur 2 jambes, la savane... on se serait plutôt
attendu à ce que le bassin de ’Lucy’, ou tout au moins son excavation pelvienne, fut à peu près du même type que celui
d’un Grand Singe actuel !
Le caractère d’une bipédie, non pas ’en cours d’acquisition’, mais plutôt ’ancienne’, doit en effet être
associé à un bassin de type australopithécien. Sans être tout à fait semblable à ce lui d’une femme, le bassin de ’Lucy’
montre incontestablement la même structure liée à la station verticale et à une pratique ancienne de la bipédie, au sein
de la lignée. Le nouveau-né d’australopithèque était contraint lors de la partirution, comme un bébé humain,
de passer obliquement à travers les parois pelviennes maternelles afin de mettre le plus petit diamètre de la tête fœtale
en rapport avec le plus grand diamètre du bassin [ pour cela, flexion et rotation de la tête du nouveau-né
sont nécessaires ]. Les petits australopithèques ont ainsi dû venir au monde avec des têtes plus grosses
que communément admis avant l’étude du bassin de ’Lucy’ ou de celui reconstitué à partir d’éléments fossiles trouvés
à Sterkfontein [ STS 14, espèce africanus ]. Cela rappelle les travaux du professeur en
obstétrique hollandais Klaas de SNOO ( 1937, 1942 ), pour lequel le mode de parturition humain
a permis et favorisé le maintien d’un bipédisme initial tout au long de l’histoire évolutive de l’homme, en liaison
avec le caractère également originel du gros cerveau.
Cette disposition du bassin de type bipède chez les Australopithèques, associée à d’autres traits
anatomiques dénotant une tendance évolutive acquise vers le quadrupédisme... constitue l’une des meilleures preuves,
s’il s’en faut, que les Australopithèques ont jadis procédé d’humains véritables ! Il n’est pas étonnant,
non plus, de constater que les espèces A. afarensis et A. africanus, dites ’graciles’ se rapprochent plus
de l’homme, alors qu’A. robustus présente notamment un élargissement de l’aile iliaque, spécialisation qui rappelle
ce qu’on observe chez les Grands Singes.
D’un point de vue phylogénétique, reflétant l’évolution au sein même du groupe des
australopithèques, il est possible, mais non certain, que les différentes formes connues d’australopithèques
ont dérivé les unes des autres, l’australopithèque robuste représentant une ultime étape vers le Singe
anthropomorphe. Mais compte tenu des longues périodes de temps prises en considération et de l’état fragmentaire
de notre connaissance des fossiles d’hominiens de type australopithécoïde, il paraît plus logique d’affirmer qu’il y a eu
émergence consécutive, en Afrique ou ailleurs, de nombreuses lignées de type australopithécoïde
à partir de la souche humaine, avec dans chacun des cas une évolution séparée possible vers le type
simien quadrupède et arboricole. Ainsi, les ressemblances constatées entre les différentes espèces
connues ( A. afarensis représentant déjà un amalgame fort hétéroclite ) résulteraient plutôt de
convergences de formes, par adaptation à un environnement similaire ( celui de la savane boisée ).
L’Afrique héberge sans doute encore, au Zaïre ou au Kenya ( HEUVELMANS 1980,
ROUMEGUERE-EBERHARDT 1990 ), à l’intérieur de ses grandes forêts ou à la lisière de celles-ci,
divers primates de type australopithécien. La survivance jusqu’à nos jours de telles formes ( qui peuvent procéder
par filiation directe des australopithèques anciens, mais sont vraisemblablement d’émergence plus récente )
n’aurait en fait rien d’extraordinaire. Ainsi, le paléontologue français Yves COPPENS a découvert en 1960 à Koro-Toro
au Tchad la partie faciale d’un petit crâne australopithécoïde aux mâchoires assez proéminentes qu’il décrivit
sous le nom de Tchadanthropus uxoris. On lui accordait alors un âge de 600.000 ans, mais ce chiffre
a été très sensiblement révisé à la baisse ( 8.000 ans ) !
FIN DE LA PREMIERE PARTIE
Dans le numéro 7 ( sept. 1991 ) de BIPEDIA, nous aborderons le vaste
sujet des hominiens fossiles ou contemporains, anatomiquement très voisins de l’homme, et reviendrons, bien sûr,
sur le phénomène évolutif de la déshominisation.
De cette première partie, nous retiendrons aujourd’hui l’idée de base que la situation faunique
actuelle des Primates ( y incluant l’homme et la diversité des formes contemporaines répertoriées dans le cadre
de la recherche cryptozoologique ) correspond à un état qui a toujours prévalu au cours des derniers millions
d’années écoulées [ pour se limiter à la période pour laquelle nous possédons le plus grand nombre de fossiles de référence ].
Ainsi ont cohabité et cohabitent peut-être encore : la forme Homo ( type
de l’homme moderne à bipédie parfaite et crâne arrondi ), divers hyperanthropoïdes en voie de déshominisation,
des australopithécoïdes en transition vers la quadrupédie, ainsi que des anthropomorphes quadrupèdes ( à bipédie
résiduelle ) de type simien, ou à option évolutive non axée sur l’arboricolisme... Cette liste se complète,
bien évidemment, par la foison des autres formes mammaliennes ou post-mammaliennes.
BIBLIOGRAPHIE
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Plon, Paris.
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is concerned. Cryptozoology, 5 : 1-26, Tucson.
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Plon, Paris.
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KRANTZ, G.S. (1986) : A Species Named from Footprints.
Northwest. Anthropol. Research Notes, 19 : 93-99.
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KRANTZ, G.S. (1987) : A Reconstruction of the Skull of Gigantopithecus blacki and its comparison with a living
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ROUMEGUERE-EBERHARDT, J. (1990) : Dossier X : Les Hominidés non identifiés d’Afrique.
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Zeitschr. f. Rassenkunde, 5 : 42-69, Stuttgart.
-
SNOO de, K. (1942) : Das Problem der Menschwerdung.
Gustav Fischer, Jena.
Cet exposé a été écrit en 1990. Depuis cette date, de nombreuses découvertes d’australopithécoïdes
se sont succédées, tant en Afrique orientale et méridionale qu’au Tchad. Au sujet de l’Ameranthropoides loysi,
évoqué à la fin du paragraphe des Singes Anthropomorphes, il est intéressant de se reporter à l’étude de Michel Raynal :
http://www.interciencia.org/v24_04/viloria.pdf
ou à son article paru dans la "La Gazette Fortéenne" ( tome 1, 2002 ).
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